Les risques d’origine glaciaire
Dès le début, l’observation des glaciers a été liée à l’étude et à la prévention des catastrophes glaciaires. L’étude approfondie des glaciers dits « dangereux » représente dans les Alpes, une des tâches importantes des glaciologues. Qu’ils soient en progression ou en retrait, les glaciers ont toujours représenté une menace naturelle pour les habitants des vallées situées en aval.
On peut cependant relativiser le risque glaciaire : sur une durée d’environ deux siècles (1800 – 2000), voire 400 ans pour la Suisse (1589-2000), le programme européen Glaciorisk (2001-2003, regroupant des labos français, italiens, suisses, autrichiens, islandais et norvégiens, a recensé 206 glaciers réputés dangereux (28 en France) et 672 accidents provoquant au total 721 morts (225 en France). C’est, au total, le bilan moyen d’environ 2 heures de la guerre de 14-18, une heure sur Omaha beach le 6 juin 44 ! Les glaciers ont fait chaque année, depuis Louis XIV, à peu près autant de morts que les loups !
On distingue en général deux sortes de catastrophes glaciaires. L’une (action directe) consiste en la rupture d’une partie du glacier, dont les fragments détruisent les agglomérations situées en aval. Dans le deuxième cas (action indirecte), la langue glaciaire en expansion, débouchant d’une vallée latérale dans la vallée principale, stoppe l’écoulement des eaux issues des bassins de réception supérieurs, et provoque la formation d’un lac dont la vidange brutale peut ensuite causer de terribles dégâts.
Lacs et débâcles
Les lacs de barrage glacio-morainique
Durant le Petit Age Glaciaire (1350-1850), les glaciers alpins ont fortement avancé et ont ainsi barré de nombreuses vallées. De même, à la fin de cette période, ils ont reculé, abandonnant devant eux leurs moraines frontales ; des lacs glaciaires se sont ainsi formés, retenus soit par le corps du glacier et sa moraine, lors d’une avancée, soit par les moraines abandonnées lors du recul.
Or ces barrages naturels formés de glace et de moraines sont fragiles, en raison de la pression de l’eau ; ils peuvent céder et l’eau inonder des vallées situées en aval. Ce type d’accident s’est produit à maintes reprises pendant le Petit Age Glaciaire, tout particulièrement en Suisse, aux glaciers du Giétroz (1595, 1818) et d’Allalin (1633, 1680, 1770), dans le Tyrol, où le Vernagtferner formait un lac aux débâcles dramatiques. Ce fut le cas en France, dans la vallée du Doron de Champagny, où le glacier de Lépenaz provoque, en 1818, la formation d’un lac dont la rupture cause des dégâts jusqu’à une quarantaine de kilomètres en aval.
Dans le val d’Aoste, en Italie, les débâcles du lac Sainte-Marguerite formé au front du glacier du Ruitor, se reproduisent de 1594 à 1597 ; le duc de Savoie, Charles Emmanuel Ier, envoie des ingénieurs, mais les solutions qu’ils proposent, jugées trop coûteuses, ne sont pas mises en œuvre, et les débâcles continuent.
La catastrophe du Giétro
La débâcle de Giétro est un cas école. En 1595, le glacier du Giétro ravage la vallée de la Drance par une débâcle de son lac, faisant 140 victimes. Au printemps 1818, le haut val de Bagnes se trouve à la veille d’une catastrophe imminente. En effet, depuis une douzaine d’années (entre 1806 et 1818), le glacier du Giétroz est en crue
Débouchant sur un escarpement haut de 400 m, les séracs s’écroulent dans le fond du vallon où ils forment un « glacier régénéré » par l’accumulation des blocs. Le cône régulier n’avait cessé de grossir depuis plusieurs années, la Drance
parvenant toujours à s’écouler. Mais, en avril 1818, la Drance ne coule plus… Derrière, les eaux issues des glaciers du mont Durand, d’Otemma et du Breney s’accumulent, montant d’un mètre par jour. Or, pour comble de malheur, la vallée forme là un fond plat, dont l’étendue même multiplie la masse d’eau retenue par le barrage glaciaire. Et plus cette masse d’eau est importante, plus le barrage risque de se briser, puis de ravager la vallée…
Le val de Bagnes se souvient que le même phénomène s’était produit à plusieurs reprises dans le passé et ses glaciers avaient fait parler d’eux dès le VIe siècle. Celui de Giétroz, en particulier, avait acquis une triste réputation.
Ce glacier issu du Mont Blanc de Cheilon (3869 m) et de la Ruinette (3875 m) s’écoule vers le nord-ouest, puis vers l’ouest ; débouchant au-dessus de la vallée à l’étranglement de Mauvoisin, il s’arrête, à 2450 mètres d’altitude environ, sur le raide versant occidental du Mont Pleureur (3703 m). A chaque progression, il précipitait ses masses de glace dans la vallée par-dessus ce seuil. Les morceaux de glace détachés du front, que venaient renforcer les avalanches de neige, s’entassaient au pied d’un couloir très raide à 1700 m d’altitude. Il se formait donc à cet endroit une sorte de glacier régénéré, alimenté en permanence par les chutes de glace. De temps à autre, ce cône glaciaire prospérait au point de verrouiller la vallée comme un gigantesque bouchon et retenait la Drance de Bagnes.
La plus ancienne mention qui ait été faite d’une de ces inondations nous vient du chanoine Boccard, de l’évêché de Sion: la ville de Martigny ayant été inondée en l’année 580, le siège épiscopal fut transféré de Martigny à Sion. Une autre catastrophe due à une crue survint le 7 août 1549. Le 4 juin 1595, le barrage glaciaire du Giétroz céda de nouveau ; les flots dévastèrent les villages de la vallée et une partie de Martigny ; 150 personnes environ, dont la moitié dans cette dernière ville, trouvèrent la mort. Une nouvelle inondation, aux conséquences plus limitées, se produisit en septembre 1640.
Mais revenons aux évènements de 1818.
Hans Conrad Escher de la Linth nous livre un témoignage précieux: « En tout temps les eaux du glacier du Giétro tombent en cascade dans le couloir qui descend en pente très raide jusque dans la Drance, à l’extrémité supérieure de cet étranglement où se trouvait le pont Mauvoisin. Mais depuis quelques années le glacier du Giétro s’est tellement avancé sur la crête des rochers qui forment le bord supérieur de ce grand couloir, qu’il en tombe presque continuellement des masses énormes de glace… Déjà depuis cinq ans l’accumulation de ces glaçons tombés depuis le bord du glacier du Giétro jusque dans le lit de la Drance, a commencé à former un nouveau glacier… » En l’espace de douze ans (entre 1806 et 1818), elles ont formé un cône de glace régénéré de 1,7 millions de m3. En avril 1818, « on remarque que l’eau de la Dranse était retenue au fond de la vallée de Bagnes, et qu’elle y avait formé un lac d’une demie lieue de longueur. Le danger d’un écoulement subit de ce lac, dont la superficie s’élevait et s’étendait de jour en jour, était trop grand pour qu’on ne dût pas tenter tous les moyens possibles propres à prévenir une catastrophe« .
L’ingénieur Ignace Venetz est alors mandaté par l’état du Valais pour agir. Lorsqu’il arrive, en mai, le lac est déjà profond de soixante mètres et long de trois kilomètres : 27 millions de m3 d’eau sont prêtes à déferler, et la situation empire chaque jour ! Venetz agit dans l’urgence et dans des conditions difficiles. Il parvient à faire tailler une galerie horizontale, sous la menace constante des éboulements, par laquelle une partie de l’eau s’écoule bientôt.
Le lac commence à se vider: du 13 au 16 juin, son volume diminue de près d’un tiers. Mais sous l’effet de l’eau, la tranchée se creuse fortement, et les sédiments sur lesquels repose le cône de glace commencent à s’éroder. Le 16 juin 1818, à 16h30: « …le lac s’écoula tout à la fois ; la tranchée de glace qui se trouvait encore entre la galerie et le mont Mauvoisin se rompit, avec un fracas épouvantable, et la masse d’eau sortit avec une telle furie, par cette grande ouverture qu’elle avait forcée entre le glacier et le mont Mauvoisin, que dans une demi-heure le lac fut entièrement vidé, et les cinq cent trente millions de pieds cubes d’eau qu’il contenait, bondissant dans la vallée avec une étendue et une violence dont on ne peut se former l’idée, détruisirent tout sur leur passage« .
Les flots arrivent à Bagnes en quarante minutes, à Martigny en une heure et demie, puis la vague continue en direction de St-Maurice (atteint deux heures trente six après la rupture) et du Léman (six heures trente).
Venetz a fait de son mieux (sans lui le volume d’eau déchargé à la rupture aurait été trois fois plus important), mais la débâcle ravage la vallée jusqu’à Martigny, emporte les ponts, détruit les champs et fait tout de même une cinquantaine de morts, suscitant un élan de solidarité dans toute l’Europe.
Le val de Bagne à l’origine de la théorie glaciaire
Il se trouve qu’un des collaborateurs de Venetz n’est autre que Perraudin, qui lui fait les mêmes remarques qu’à Charpentier : « ayant depuis longtemps remarqué, lui dit-il, des marques ou entailles sur les rochers, toujours orientées comme la vallée, j’en ai conclu, après m’être approché des glaciers, qu’elles avaient été faites par la pression de ces masses glaciaires, dont j’ai trouvé les traces au moins jusqu’à Champsec. Cela me fait penser que les glaciers occupaient dans le passé la totalité du val de Bagnes ». Perraudin est ainsi le premier à remarquer les stries glaciaires des roches moutonnées et à les interpréter correctement.
Le Vernagtferner et le Rofensee
Dans les HYPERLINK « http://de.wikipedia.org/wiki/%C3%96tztaler_Alpen » \o « Alpes de l’Ötztal » Alpes de l’Ötztal où de nombreuses langues glaciaires barrent les vallées, le Vernagtferner est l’un des plus dangereux glaciers des Alpes.
La vallée de la Rofen est le théâtre de débâcles mémorables en raison du barrage formé par la langue terminale du Vernagtferner qui vient obturer la vallée formant un lac, le Rofensee.
Pendant les 380 dernières années, quatre poussées d’une ampleur catastrophique marquent ainsi l’histoire du Vernagtferner et de son compère le Guslarferner.
Le Guslarferner et le Vernagtferner sont séparés l’un de l’autre par l’Hintergraslspitze. A chaque période de crue glaciaire, les deux glaciers se réunissent pour former une langue commune. Dans la phase finale de la poussée de 1845, la langue avançait en atteignant le fond de la vallée, à une vitesse de 12 m par jour !
Les deux langues restent même soudées du maximum de 1848 jusqu’en 1889, donc plus de quarante ans, puis se séparent de nouveau en régressant vers l’amont. La langue du Vernagtferner qui se termine aujourd’hui à 2 720 m d’altitude, a ainsi perdu environ 3,5 km en extension horizontale par rapport à son état maximal du XIXe siècle. Quatre avancées mémorables du Vernagtferner ont barré le cours de la Rofen Ache : 1599-1601, 1677-1682, 1771-1774 et 1845-1848.
En 1848, la barrière de glace de la langue terminale atteignait encore une hauteur de 140 m sur le versant opposé du Rofental et mesurait 996 m de large. A chacune de ces poussées, se formait un grand lac de retenue. En 1600, ce lac mesurait 1250 m de longueur sur 350 m de largeur et 100 m de profondeur. En 1772, la longueur du lac est estimée à 1400 m pour 350 de large.
Le 17 juillet 1678 une débâcle particulièrement dévastatrice se produit et dévaste tout l’Ötztal. Certaines parties de cette vallée, comme le rétrécissement entre Sölden et Huben, en deviennent inhabitables. Quant à la cause de la catastrophe, les autorités la trouvent rapidement en la personne d’un vagabond qui avait proféré des menaces peu avant à l’égard d’un paysan qui lui avait refusé l’hospitalité. Rendu responsable du désastre, il est arrêté, jugé sommairement et brûlé vif à Merano.
Ajoutons que les vidanges de la Rofensee n’étaient pas toujours catastrophiques, le lac s’écoulant souvent lentement sans causer de dommages aux localités situées en aval.
150 ans plus tard, le 14 juin 1845, alors que le lac atteignait une longueur de 850 m pour une largeur de 330 m au niveau de la digue de glace, le Rofensse se vide en 63 minutes et inonde tout l’Ôtztal : les flots furieux arrachent 18 ponts sur 21.
Toujours au HYPERLINK « http://de.wikipedia.org/wiki/Tirol_(Bundesland) » \o « Tyrol (État) » Tyrol, le Gurgler Ferner barre régulièrement le Langtal formant ainsi le lac de Gurgl (Gurgler Eissee). Au cours de ses poussées répétées, l’émissaire du Langtaler Ferner, qui se jette d’ordinaire dans la Gurgler Ache, est arrêté par cette barrière de glace. Le Gurgler Eissee atteint à plusieurs reprises des dimensions inhabituelles, en 1716-1724 et 1770-1774 par exemple et au cours du maximum du milieu du XIXe siècle. Il se situe à 2360 m d’altitude, au confluent avec le Langtal. Bien que le lac se déversât sans dommage, en partie sous le glacier, en partie par débordement, il n’en est pas moins le motif de ferventes processions pour la population de la vallée, si souvent touchée par les débâcles du Rofensee. Les deux lacs glaciaires représentent une menace pour les habitants de l’Ötztal. Au début de l’été 1718, alors que le Gurgler Eissee atteint un niveau vraiment inquiétant, le charismatique curé de Sölden, Jakob Kopp, conduit de nombreuses processions, destinées à éradiquer le maléfice. Il vient dire la messe tous les samedis sur le Steinerner Tisch (en bordure du lac), près du Hochwildehaus, sur le versant ouest du Schwarzenkamm. C’est de cette époque que date le millésime 1718 gravé dans la pierre.
Le glacier de l’Allalin et les catastrophes du Mattmark
Le glacier de l’Allalin est le seul glacier alpin qui soit à l’origine de deux types de catastrophes (débâcles et rupture d’une langue glaciaire), qui ont causé bien des malheurs à la population de la vallée de Saas,
Au Petit Age Glaciaire, le glacier de l’Allalin barre la haute vallée de Saas. Les eaux de fonte issues du fond de la vallée, sont ainsi retenues à Mattmark, par le barrage glacio-morainique, derrière lequel elles forment un lac. Les eaux parviennent à se frayer une voie à travers l’obstacle mais le percent brusquement quand celui-ci ne peut plus résister à leur pression.
Parmi les débâcles du lac de Mattmark, la plus ancienne connue ravage en 1633 toute la vallée jusqu’à Saas Grund, emportant même 18 maisons à Viège, distante de 33 km. Elle contraint de nombreux habitants de la région, ruinés, à émigrer. La débâcle suivante eut lieu en 1680 ; le lac arriva cette fois jusqu’aux chalets de la Distelalp (aujourd’hui submergée par le lac artificiel), et la vallée fut de nouveau dévastée, ce qui incita les habitants à formuler un vœu : ils promirent de renoncer au jeu et à la danse pour 40 ans.
Mais cela ne suffit pas : au total, pour le seul XVIIIe siècle, on a connaissance de quinze débâcles. En 1740, les quarante années pieuses étaient depuis peu écoulées, une vague gigantesque arrache tous les ponts de la vallée de Saas à l’exception d’un seul. Puis en 1772, Zurbriggen, chroniqueur de l’époque mentionne: « Anno Domini 1772, le 17e du mois d’automne, après qu’il eut plu à maintes reprises, le lac de Mattmark s’est vidé encore une fois par un jour de beau soleil. L’eau est montée partout, a rempli tout d’une montagne à l’autre. Personne n’a su que le lac venait ; les ponts, les murs et les maisons sont tombés comme fétus de paille et l’on a vu ainsi dévaster les biens que les laves avaient épargnés. Dans l’église, l’eau a dépassé la plus haute marche du grand autel… » Au XIXe siècle, on essaya plusieurs fois de prévenir ces menaçantes débâcles, par exemple en 1834 en creusant à la dynamite une galerie dans la glace. Mais alors qu’au glacier du Giétro, la même intervention s’était soldée par une véritable catastrophe, l’ingénieur cantonal Venetz obtint ici le résultat escompté : l’abaissement du niveau du lac.
Au XXe siècle, l’histoire continue, plus ou moins tragiquement. De 1917 à 1924, le glacier de l’Allalin avance encore une fois jusque dans la vallée, recouvrant même temporairement la Viège et arrivant une fois de plus jusqu’au piton rocheux appelé Auf der Schanz, sur le versant opposé de la vallée. Dès qu’ils voient monter le niveau du lac, les habitants dressent des croix dans le but d’inciter les fidèles à la prière, sur un emplacement appelé pour cette raison la Chrizegge (le coin de la croix).
Par mesure de précaution, une galerie est de nouveau percée dans le rocher pour servir d’exutoire artificiel, avec succès.
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Autres causes autres catastrophes
Au début des années 1960, la construction du barrage du Mattmark commence, les moraines de l’ancien glacier fournissent le matériau de base nécessaire à la construction de la digue. Les baraquements des ouvriers sont fort logiquement placés à proximité du chantier et en dehors du tracé des avalanches de neige de l’hiver.
Mais au soir du 30 août 1965, à l’heure du changement d’équipe, une formidable masse de séracs de plus de 1 millions de m3 se détache du glacier de l’Allalin qui domine les installations du chantier. Le vent de l’avalanche souffle les logements aussitôt recouverts par plus de 20 m de glace. On relèvera 88 victimes, ouvriers, techniciens et ingénieurs.
Mattmark, le 30 août 1965
Les glaciologues de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich ont, bien sûr, analysé ce tragique événement pour en tirer la leçon : les origines d’une telle catastrophe peuvent être multiples. Parmi les points clés figurent d’abord la topographie et la masse du glacier. Avant l’accident, la langue terminale du glacier de l’Allalin s’appuyait sur un replat rocheux. Le glacier était donc en équilibre, entre son poids, la force de frottement sur le lit et les appuis qu’il trouvait sur cette plate-forme et sur ses marges. Si l’un de ces éléments vient à se modifier, la rupture de cet équilibre fragile déclenche l’avalanche de glace.
Achevé en 1967, le barrage de Mattmark ferme désormais cette partie supérieure de la vallée : il a remplacé de façon beaucoup plus sûre l’ancien barrage glaciaire. La disposition de la digue, haute de 120 m et longue de 780 m, l’une des plus volumineuse des Alpes, permettrait une nouvelle et forte extension du glacier si celle-ci venait à se reproduire.
https://www.letemps.ch/suisse/2015/08/28/sacrifies-mattmark-ont-change-suisse
Remarque : les catastrophes se répètent, parce que les glaciers retrouvent tôt ou tard leurs positions antérieures et ainsi reviennent à l’état d’instabilité.
Les récit des contemporains de ces catastrophes, de celle du Giétro entre autres, met bien en évidence une caractéristique importante de la vidange d’un lac glaciaire, qui concourt à sa brutalité: l’écoulement de l’eau érode très rapidement la glace. Les dimensions du canal augmentent de manière importante et la vidange devient catastrophique.
Le glacier d’Altesch et le lac de Märjelen
C’était un des plus beaux lacs glaciaires des Alpes. Situé en rive gauche dans un vallon secondaire entre le Strahlhorn et l’Eggishorn, son extension est aujourd’hui des plus réduites ; on a peine à imaginer les dangers directement liés au volume qu’il représentait jadis.
En 1878 le glacier, encore proche de son maximum du Petit Age Glaciaire, présentait une épaisseur supérieure d’une centaine de mètres, le lac atteignait 80 m de profondeur sur une longueur de 1700 m ; son volume, estimé à 11 millions de m3, inspirait alors la peur et l’angoisse aux populations locales. Il suffisait d’un violent orage pour que ses eaux débordent du côté du Fieschertal. Les habitants organisaient régulièrement des processions pour exorciser ces terribles menaces. Les débâcles du lac côté glacier étaient tout autant redoutées. Quand la muraille de glace ne pouvait plus résister à la pression de l’eau, le lac se vidangeait par les torrents sous glaciaires, faisant déborder jusque dans la vallée du Rhône le torrent émissaire du glacier. L’énorme pression de la masse d’eau qui s’insinuait dans le réseau hydrographique sous glaciaire faisait jaillir depuis le fond des crevasses des colonnes d’eau atteignant parfois près de 100 m de hauteur. 19 débâcles se produisirent entre 1813 et 1900.
Au cours des siècles passés, et surtout depuis le début du petit âge glaciaire, le glacier d’Aletsch était devenu un objet de crainte et de haine pour les Valaisans. Les habitants de Natter attribuaient la responsabilité de ces désastres au fameux « Rollibok »,sorte de bouc géant aux colères redoutables (voir « glacier d’Aletsch »). Le spectacle d’une rupture du lac de Märjelen était effectivement propre à impressionner les esprits.
Les risques aujourd’hui
Depuis plus d’un siècle, les glaciers sont en recul. La majeure partie des lacs glaciaires actuels sont donc retenus par des barrages morainiques et non de glace.
Mais le risque de débâcle n’en demeure pas moins fréquent dans les Alpes. En effet, le retrait des langues glaciaires a provoqué la formation de nombreux petits lacs derrière les moraines marquant les anciennes extensions. C’est notamment le cas des deux minuscules lacs pro-glaciaires de la Mer de Glace, apparus entre 1998 et 2001 à l’intérieur des moraines frontales édifiées au cours de la dernière crue qu’ait connu ce glacier entre 1970 et 1993.
Actuellement, il est possible d’anticiper et de se protéger de ces risques, comme cela a été fait pour le glacier d’Arsine, dans le massif des Écrins, par pompage des eaux du lac.
Les lacs de verrous glaciaires : ils apparaissent à l’arrière de verrous rocheux, dans les cuvettes libérées par le glacier. C’est le cas du glacier du Rhône, dans le Valais suisse. La rupture du barrage formé par le lit rocheux n’est alors pas à craindre.
Les lacs supra-glaciaires se forment en surface, à la jonction de deux glaciers: par exemple le lac du Gorner. Le Gornersee, se forme annuellement au printemps et se vidange en été. Chaque année 1,5 millions de m3 d’eau de fonte l’alimentent. Au cours du siècle passé, les vidanges ont atteint des débits de 100 m3 /s, causant régulièrement des dégâts dans la vallée de Zermatt.
Un autre exemple en est le lac du glacier du Belvédère (Piémont, Italie) vidangé artificiellement en 2002.
Rupture de poches d’eau
Reconstitution schématique de poches d’eau sub-glaciaire et intra-glaciaire © d’après LGGELe troisième type de risque naturel d’origine glaciaire est la rupture de poches d’eau, probablement les plus dangereuses car indécelables de l’extérieur. Leurs ruptures causent des catastrophes souvent meurtrières du fait de leur soudaineté, de leur imprévisibilité, et du volume des laves torrentielles qu’elles engendrent.
Les poches d’eau glaciaires peuvent être soit intra-glaciaires, c’est-à-dire situées dans l’épaisseur même du glacier, soit sub-glaciaires, c’est-à-dire situées entre le glacier et le lit rocheux. Les mécanismes qui conduisent à la formation et à la rupture de ces poches d’eau glaciaires sont encore mal connus. Toutefois, il semblerait que les poches d’eau sub-glaciaires se forment souvent au niveau d’un ressaut du socle rocheux, à la base même du glacier.
Dans les Alpes, on recense plusieurs événements de ce type (glacier de Trient, 1911, 1930, 1942, 1960, glacier de Tête-Rousse, 1892). Aujourd’hui, en raison de la nature indétectable des poches d’eau, les glaciologues ne sont pas en mesure d’envisager des moyens de prévention ou de surveillance adaptés.
Le glacier de Tête Rousse et la catastrophe de 1895
Petit frère du glacier de Bionnassay, situé au pied de l’aiguille du Goûter, dans le massif du Mont-Blanc, le petit glacier de Tête Rousse (9 ha) est bordé par le refuge du même nom, étape incontournable sur la voie normale d’ascension du Mont-Blanc. Si à la fin du XIXe siècle ce petit glacier était encore en pleine santé, son nom est maintenant associé à l’histoire des grandes catastrophes glaciaires alpines.
Une poche d’eau d’environ 90 000 m3, formée sur le lit du glacier par stockage des eaux de fusion glaciaire, est à l’origine de la catastrophe de 1895. La pression exercée par cette nappe d’eau sous-glaciaire et intra-glaciaire est telle qu’elle fait exploser la cloison de glace faisant office de barrage. 90 000 m3 d’eau et de 110 000 m3 de glace brusquement libérés déferlent dans le vallon des Rognes à très grande vitesse et se transforment en une lave torrentielle, arrachant blocs et moraines sur son passage. Dévalant le long du flanc externe de la moraine latérale droite du glacier de Bionnassay, elle entraîne un troupeau de bovins, sous l’œil stupéfait de son jeune berger qui passait la nuit au chalet de l’Are. Puis le flot se concentre dans la gorge étroite. À cet endroit, le volume de la lave torrentielle avoisine les 600 000 m3. Le hameau de Bionnay, situé sur la trajectoire, est en grande partie enseveli. Le flot dévastateur remplit la gorge du Bon-Nant, d’où il débouche, trente minutes après son départ. Il épargne le village de Saint Gervais, construit au-dessus de la gorge du Bon Nant, mais rase les bâtiments du centre thermal. C’est au tour du hameau du Fayet de subir l’assaut du raz-de-marée boueux dans lequel une dizaine d’habitations disparaissent. Au final, 175 personnes perdent la vie.
Des glaciologues et hydrologues, tels Vallot et Mougin, dépêchés sur les lieux constatent la formation d’un puits de 50 m de profondeur, suite à l’effondrement de la voûte de glace perchée au-dessus de la poche d’eau.
La direction du Service des Eaux et Forêts effectua des recherches au glacier de Tête Rousse, afin de comprendre la cause du drame, pour éviter que pareille catastrophe ne se reproduise et assurer la vidange permanente des eaux de fusion glaciaire.
En 2008, une étude réalisée par le LGGE révéla de nouveau la présence d’une poche d’eau sous pression, d’un volume proche de 65 000 m3, dans une cavité sub-glaciaire. Après confirmation par forage en juin et juillet 2010, les autorités publiques décidèrent de procéder à des opérations de pompage et de vidange du lac, entre août et octobre 2010. Depuis, ce glacier est sous haute surveillance et la poche d’eau a été vidangée à plusieurs reprises, en octobre 2011, puis en octobre 2012. Des solutions à long terme sont aujourd’hui à l’étude pour éviter ces pompages annuels.
Les crues catastrophiques ou « surges »
Il existe un phénomène glaciaire atypique : les surges glaciaires des auteurs anglo-saxons, parfois traduit par « foirage ». Le terme signifie littéralement poussée, augmentation. Il s’agît d’une accélération brutale de la vitesse d’écoulement d’un glacier jusqu’à 100 fois sa vitesse normale
Ce type de déplacement semble lié au fonctionnement complexe du réseau hydraulique glaciaire qui contrôle un phénomène encore mal compris :
Les raisons de ces crues ne sont pas claires. Il ne s’agit pas d’une cause purement climatique, des glaciers en surge pouvant côtoyer des glaciers « normaux » dans une même région. La périodicité semble caractériser le phénomène. Selon le glaciologue Amédé Zryd, « Il est probable que la phase de crue se déclenche lorsque la fonte augmente la pression dans un réseau hydraulique bouché par l’hiver et favorise le glissement. La crue se termine par un relâchement de l’eau lorsque le réseau s’est reformé ».
Tant aux glaciers de l’Alaska qu’à ceux de l’archipel canadien, des valeurs de 7 km en moins d’une année ont été signalées. En 1953, le glacier de Kutiak, dans le Karakorum, progressa de 12 km en trois mois. Des mouvements d’une telle rapidité ne sont pas connus actuellement dans les glaciers alpins, mais ils pourraient être à l’origine de la formation de lacs de barrages glaciaires dans plusieurs vallées des Alpes lors des grandes avancées du Petit Age Glaciaire. A ce titre, les avancées catastrophiques du Vernagtferner dans l’Ötztal ont été interprétées comme des surges.
L’avancée exceptionnellement rapide du glacier de Findelen en 1980 (84 m en une année) est un exemple.
Au cours de l’hiver 1979-1980, une zone de cisaillement en bordure de la langue glaciaire apparut sur sa rive droite, révélant des mouvements très rapides. Des vitesses d’avance allant jusqu’à 2 cm/h, deux km en amont du front, furent mesurées au centre du glacier. Ce phénomène éveilla l’intérêt des glaciologues qui étudièrent ce glacier de manière intensive. Par la suite, à partir de 1986, le glacier de Findelen reprit sa « marche en arrière ».
Ruptures de langues glaciaires
Il existe également d’autres types de risques naturels liés aux glaciers, tout aussi imprévisibles, par exemple, les chutes de séracs, c’est-à-dire le détachement de blocs de glace individualisés du reste du glacier. Une pente de 45° semble représenter l’une des limites de la stabilité des glaciers froids suspendus, qui sont retenus par le gel sur leur lit rocheux fortement incliné. Dans leur chute, ces blocs se fracturent en morceaux de plus en plus petits et dévastent tout sur leur passage, un peu comme une avalanche. Les exemples en sont nombreux dans les Alpes, telle l’avalanche de glace du Weisshorn.
Dans le Mattertal (Valais, Suisse), le glacier suspendu de la face est du Weisshorn et les séracs du Bisgletscher menacent ainsi le village de Randa à intervalles réguliers : depuis 1636, les chutes de glace ont causé un total de 51 morts en déclenchant 19 avalanches.
Celle de 1693 ravage ainsi le village et fait 37 victimes ; celle de 1720, 12 ; seize ans plus tard, l’avalanche emporte 140 bâtiments. Le 27 décembre 1819, un éboulement de glace au sommet du Weisshorn (4506 m) déclenche sur le glacier de Bis une énorme avalanche de neige d’un volume de 13 millions de m3, 113 édifices sont emportés et deux hommes tués.
En septembre 1972: Alarme ! Une nouvelle catastrophe glaciaire semble imminente. Une immense crevasse de 250 m de long et de 30 m de large coupe la voie d’accès normale au sommet du Weisshorn. Pour juger de la situation, on mesure la vitesse du mouvement de la glace.
Installée sur le Bishorn à 4134 m, une caméra automatique photographie trois fois par jour le glacier suspendu du Weisshorn, situé à 2 km de distance.
La restitution photogrammétrique permet d’établir des courbes de mouvement identique : une partie du glacier, d’une masse de 500 000 m3 environ, a augmenté sa vitesse. Cinq repères sont fréquemment mesurés depuis la vallée à l’aide d’un géodimètre à laser et d’un théodolite de précision (marge d’erreur: 2-3 cm). Afin d’assurer une surveillance continuelle, on met au point un appareillage électromécanique de mesures muni d’un émetteur et on l’installe en amont de la grande crevasse. Les mesures montrent distinctement une augmentation progressive de la vitesse de fluage. Le modèle expérimental, déduit à partir des mesures effectuées, permettra de prévoir la date de rupture approximative dans des situations analogues.
En 2005 deux ruptures successives, impliquant des volumes respectifs de 120 000 m3 et 400 000 m3, ne causent aucune perte humaine, les glaciologues de l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich ayant suivi et mesuré avec succès les mouvements de surface et l’activité sismique pendant 25 jours, jusqu’à 3 jours avant la rupture.
La rupture du glacier de l’Altels en 1895
Sur le versant nord des Alpes bernoises, dominant le Gasteretal, la rupture de la langue terminale du glacier suspendu de la face nord de l’Altels (3629 m) reste gravée dans les mémoires locales. Au petit matin du 11 septembre 1895, une grande masse de glace accrochée au versant raide et lisse de l’Altels se détache et s’abat dans la vallée. La zone de rupture mesure 580 m de large et 40 m d’épaisseur au centre ; on estime le volume de l’avalanche à 4,5 millions de m3 de neige et de glace. Les alpages de Winteregg et Spittelmatte, près du col de la Gemmi, sont ravagés et l’avalanche de glace remonte très haut sur le versant opposé de la vallée ; 10 ha de forêt sont dévastés par le souffle. On relèvera quatre victimes parmi les bergers de l’alpage de Winteregg. Un écroulement semblable s’était déjà produit en 1782. Aujourd’hui, une large cicatrice marque encore la forêt de Spittelmatte et témoigne de cette catastrophe. En regard de l’extension réduite du glacier actuel, il ne subsiste plus guère de risque.
Le site aujourd’hui (2018), la flèche indique la trajectoire de l’avalanche de glace
Chutes de séracs et avalanches
Dans certains cas, ces phénomènes entraînent aussi la déstabilisation du manteau neigeux et provoquent à coup sûr de nombreux dégâts.
Les chutes de séracs du glacier de Taconnaz menacent ainsi régulièrement une zone habitée de la vallée de Chamonix, en particulier lorsque le manteau neigeux hivernal situé en dessous des séracs, est instable. Les chutes risquent alors de déclencher une avalanche de neige et de glace, qui atteint la vallée, comme ce fut le cas en 1988, 1999 et en 2006 et dernièrement au printemps 2013.
Ecroulement rocheux sur glacier : un cocktail détonnant
En haute montagne, les écroulements rocheux sur glaciers, conjugués aux dénivellations exceptionnelles forment un cocktail détonnant et sont à l’origine d’avalanches mémorables. Deux régions sont malheureusement célèbres à cet égard, celle du col du Simplon et le versant méridional du Mont-Blanc, siège de volumineux écroulements rocheux qui ont souvent balayé le glacier de la Brenva.
Écroulement rocheux dans la face nord du Portalet le 02 Aout 2017 aimablement fournie par l’auteur © Laurence Thabut
Glacier de la Brenva et écroulements /l’histoire d’un vieux couple
Les hautes et raides parois granitiques qui dominent le bassin supérieur du glacier ont été le siège d’une série de volumineux écroulements rocheux qui ont balayé le glacier de la Brenva. Deux épisodes catastrophiques se sont déroulés au XXe siècle : l’écroulement de 1920 qui a affecté une partie du Pilier d’Angle, contrefort oriental du Mont-Blanc et l’écroulement de 1997.
Les écroulements anciens
Le bassin supérieur de la Brenva est un immense cirque aux raides parois rocheuses dans lequel s’encaisse profondément le glacier. Le 14 novembre 1920 c’est une paroi haute de 800 m (3380 – 4200 m) qui se détache du grand pilier d’Angle au Mont-Blanc. L’écroulement, mélange de blocs et de glace, atteint le fond de la vallée, recouvre le glacier inférieur en franchissant la moraine latérale droite, avant de mourir sur le versant opposé, témoins les nombreux blocs de granite qui tapissent le bas du versant.
Des photographies et gravures antérieures à 1920 montrent le flanc externe de la moraine droite sans forêt, sur une largeur de plus de 400 m à la fin du XIXe siècle, ainsi quune importante couverture détritique sur le glacier inférieur dans les années 1830. Elles confirment un important écroulement sur la Brenva avant celui de 1920, dont le dépôt pourrait être figuré sur un dessin de Jallabert réalisé en 1767.
L’écroulement de 1997
Le 18 janvier 1997, une avalanche à aérosol a parcouru 2 000 m de dénivelée sur le glacier de la Brenva en moins de trois minutes, précédée par un souffle qui a rasé une forêt centenaire sur le pied du versant opposé du Val Veni. Deux skieurs, surpris par la soudaineté de l’événement, y ont trouvé la mort.
Cette avalanche exceptionnelle a été déclenchée par un écroulement rocheux parti depuis l’Éperon de la Brenva, grande échine granitique qui domine la partie supérieure du glacier de la Brenva. La masse rocheuse a entraîné avec elle une grande quantité de glace prélevée sur le haut plateau glaciaire. Ces matériaux ont été précipités sur la langue sur près de 500 mètres de longueur, barrant ainsi pour quelques jours les eaux du torrent. La masse tombée a été évaluée à environ deux millions de m3 de roche et de glace.
La chute du glacier de Hohmatten (Monte Léone)
Une des plus anciennes avalanches de ce type mentionnées par les archives s’est produite en 1597, le 31 août, lorsqu’un volumineux écroulement rocheux survenu sur le versant sud-est du Breithorn, entraîne dans sa chute une partie de la langue terminale du Homattugletscher (Monte Léone). La catastrophe est terrible ; l’avalanche, mélange de glace et de roche, emprunte le vallon du Walibach sur une dénivelée de près de 2000 m, atteint le fond de la vallée et détruit en totalité le village de An der Eggen (mentionné également sous le toponyme de Wald). Quatre vingt une personnes perdent la vie, ensevelies sous la glace. Le village disparaît sous les dépôts de l’avalanche qui persisteront pendant 6 années. Plus tard, le village sera reconstruit à distance de 700 m, en dehors de la zone exposée.
Emplacement supposé du village de Wald, le Breithorn et le Homattugletscher
Avalanche du Fletschhorn (Valais)
Dans le même secteur, le 19 Mars 1901, un éboulement mixte de rocher et de glace provenant du sommet nord-ouest du Fletschhorn se déverse dans la vallée du Krummbach. De 800 000 m3 au départ – dont 40% de rochers – le volume atteint près de 5 millions de m3 en fond de vallée à proximité du village du Simplon.
Cause de la fusion de la glace : d’une avalanche sèche, permet d’obtenir une lave torrentielle. Chute de la glace = perte d’énergie potentielle = chaleur => fusion de la glace => eau => lave (10% eau-90% rocher, en masse, pas en volume !
Modifications du régime thermique des glaciers et chutes de séracs
Du fait du réchauffement climatique, les caractéristiques thermiques des glaciers se transforment, créant de nouveaux risques. Il en va ainsi des glaciers de « type froid », constitués de glace à une température inférieure à 0°C, qui sont de ce fait collés à la roche.
Dans l’hypothèse d’une poursuite du réchauffement, la remontée des températures va affecter la stabilité des glaciers suspendus de face nord, comme la face nord de l’Aiguille Verte. À moyen terme, ils vont évoluer en glaciers de « type tempéré », avec de l’eau s’écoulant à leur base. Cette situation risque de générer des glissements plus rapides, puis des écroulements des appareils glaciaires suspendus, dont les pentes moyennes dépassent couramment 40°.
Risques liés au retrait des glaciers
L’évolution des moraines latérales
Le retrait considérable des langues glaciaires depuis 1850, parfois de plusieurs kilomètres, se transcrit verticalement par une disparition de 100 à 300 m d’épaisseur de glace, notamment à la Mer de Glace. Cette évolution engendre là aussi de nouveaux risques : en effet, une fois l’appui du glacier qui les a édifiés disparu, les édifices morainiques parfois considérables se retrouvent déséquilibrés. Ce qui entraîne de volumineux glissements de terrain, affectant les moraines récemment libérées des glaces. C’est le cas de la moraine latérale du glacier inférieur de Grindelwald au chalet de Bäregg.
Les flancs internes de ces édifices morainiques, si la végétation ne les colonise pas rapidement, sont en outre la proie de l’érosion qui les détruit petit à petit. Les moraines latérales du glacier des Bossons et de la Mer de Glace en sont de beaux exemples.
La décompression post-glaciaire des versants rocheux
Lors des maxima glaciaires, la force de pression considérable exercée par la glace directement sur les versants rocheux comprime ceux-ci, même infiniment. Lorsque le glacier fond, le versant rocheux se fragilise et perd sa stabilité : la roche se décompresse, des fractures apparaissent, responsables d’écroulements.
Le site du glacier inférieur de Grindelwald, dans les Alpes bernoises en Suisse, illustre bien ce cas de figure. On y a observé successivement le tassement au cours de l’été 2006 d’une masse rocheuse considérable en rive gauche sur les flancs de l’Eiger, d’un volume proche de 2 millions de m3, suivi de l’écroulement partiel de cette masse (200 000 m3).